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Gibier, chasse et venaison
Il devient de plus en plus fréquent pour les fêtes de délaisser les traditionnelles volailles pour des pièces de venaison. Biche, cerf, sanglier et lièvre sont à l'honneur à une époque où les produits de la chasse sont interdits de vente chez les commerçants et sont des bêtes d'élevage au même titre que le boeuf ou le veau. Mais, elles représentent encore, dans l'inconscient collectif, un plat d'exception, réservé à une élite, un plat qui se mérite.
Chasser est un besoin inné
Tout a commencé avec « homo erectus » qui avait faim et en avait assez de mâcher des herbes et des fruits sauvages, homo erectus désirait plus de diversité dans son alimentation. Cela tombait bien, il débutait dans l’art des armes de chasses avec des bifaces et des bâtons.
Il capturait plutôt des animaux isolés, capturés au fur et à mesure des besoins, c’était une chasse de rencontre: suivre une piste repérer un gibier, le traquer. Certes il fallait toujours courir après le petit gibier - lièvre, renard, fouine, taupe, chat sauvage, hérisson, et toutes sortes de petits rongeurs - qui faisait l’ordinaire. Le loir répugnait à courir et était savoureux, mais les gros gibiers comme les sangliers, cerfs, loups, gazelles, daims, rennes, chevreuils, mouflons et chamois demandaient plus d’efforts qui étaient largement récompensés par la quantité de viande, la fourrure qui habillait chaudement hommes, femmes et enfants, et les os dont les plus gros pouvaient servir d’armes contondantes.
Albrecht Dürer
Grillades préhistoriques
Et puis l'« homo sapiens » maitrisa le feu, quel bonheur! Non seulement la viande était meilleure, mais le feu éloignait les animaux sauvages qui, non contents de les narguer durant la chasse, venaient les menacer dans leurs précaires habitats. Le feu permit aux « homo sapiens » de toute la planète une exploitation encore plus rationnelle du gibier chassé: en grillades, mais aussi en système d’éclairage dans les coins les plus reculés des grottes avec de petits lampes à graisse qui permirent de pouvoir montrer aux générations futures les étonnants talents artistiques de ces hommes dits primitifs.
Ils avaient toujours la fourrure pour s’habiller, mais maintenant qu’ils étaient plus tranquilles et plus développés, les habitants des grottes peignirent les peaux.
Les os pouvaient avoir une deuxième vie sous forme de d’instruments divers associés au bois et aux pierres taillées et de parures lorsqu’on les gravait et sculptait. Et les femmes, toujours ingénieuses en fabriquèrent les aiguilles afin de se faire des habits plus coquets.
Ainsi armés de lances, d’épieux plus acérés grâce au feu, de javelots, d’arcs et de flèches, à eux les éléphants, ours, et mammouths qu’ils pouvaient piéger dans des fosses, encercler et achever à moindre risque. Et comme le chien ne fut finalement pas si difficile que ça à apprivoiser et devint un compagnon indispensable de la chasse, pourquoi pas essayer de faire de même pour les autres animaux qui seront de la sorte moins difficiles à attraper. Alors commença la domestication, mais c’est une autre histoire.
La chasse, une activité nécessaire
Et pendant des siècles encore, la chasse eut un rôle primordial pour la survie des hommes, car finalement comme le disait si finement Levy-Strauss, rien n’a vraiment changé entre le paléolithique et le 18ème siècle. Les hommes de l’Antiquité étaient de grands chasseurs. Stimulés par l’exemple de Nemrod, les mésopotamiens, égyptiens et grecs traquaient les animaux sauvages et faisaient parfois des hécatombes. Hippocrate cite comme gibier à poil courant le sanglier, le cerf, le lièvre, le renard et le hérisson. Plus tard, chez les romains, le sanglier est réservé pour les banquets les plus somptueux et tant qu’il y eut des combats dans les arènes, les habitants des villes pouvaient se fournir à bons comptes de viande d’ours, de taureaux et autres gros gibiers. Cependant comme la chasse étaient réservée aux propriétaires et aux hommes libres et qu’elle ne pouvait satisfaire la demande en viande des populations, les romains intensifièrent l’élevage d’animaux sauvages comme le loir qu’ils gavaient de glands, châtaignes et noix avant de le rôtir bien dodu et enduit de miel.
Les gaulois, eux, avaient des forêts très giboyeuses qui permettaient de satisfaire leur amour de
Jusqu’à la fin du bas Moyen-Age, le gibier reste primordial pour toutes les classes sociales dans un système de subsistance où la chasse joue un rôle important comme pourvoyeuse de viande fraîche et pour une alimentation carnée mais diversifiée. Les hommes exploitèrent toutes les ressources de la forêt et des pâturages afin de garder un équilibre alimentaire. C’est ainsi qu’au Moyen-Age le lapin fut introduit dans les garennes, il y redevint sauvage et finalement prit le nom de son habitat : le garenne à la chair parfumée des herbes dont il se nourrit.
La chasse devient un privilège
La chasse reste comme dans la préhistoire une activité qui permet de s’entrainer pour la guerre, elle devient donc dans le système de classes, une activité réservée aux nobles, avec des armes héritées de leurs ancêtres mais perfectionnées comme des grands arcs, des lances aux pointes de métal. Alors naquit le mot de forêt ou plutôt forest qui vient d’un terme bas latin : forestare qui signifie « espace clos par une barrière ». Ce mot désignait les territoires royaux ou seigneuriaux où seuls les nobles avaient droit de chasse.
Le braconnage ou la chasse effectués par les serfs ou tout roturier pouvait être puni très sévèrement. Si la punition valable sous Guillaume le Conquérant de bruler les yeux de celui qui tuait un sanglier finit par tomber en désuétude, couper une main resta encore courante jusqu’à ce que Charlemagne décida plutôt de faire payer une amende qui correspondait au prix de 60 vaches autant dire impossible à payerplutôt que de mutiler la main d'oeuvre
La venaison était la nourriture la plus courante et la plus évidente des nobles, le plus souvent rôtie à la broche dans les immenses cheminées des châteaux. En effet, la cuisson directe sur le feu marquait la part sauvage, la force de la noblesse, donc parallèlement la chasse marquait le droit au pouvoir. Avec, en contre partie des douleurs dues à la goutte qui faisaient boiter nombres de mâles aristocrates.
Au contraire, les paysans mangeaient leur viande bouillie, le plus spuvent. L’importance du gibier et de la venaison se retrouve dans l’iconographie, on voit beaucoup de lièvres, de têtes de sangliers et de chevreuils dans les natures mortes et d’autres tableaux liés aux représentations aristocratiques. A la Renaissance, les traités sur la chasse devinrent presque un genre littéraire. Dans les régions de montagnes et de forêts, même si l’agriculture était limitée et ne permettait pas toujours de nourrir une population parfois importante, elle restait plus variée grâce à la chasse et à la cueillette que celle des populations des plaines céréalières.
Les habitants des villes pouvaient se fournir de gibiers chez les rôtisseurs-oyers qui les vendaient débités en morceaux et cuits, soit en rôtis ou en brochettes, soit en pâtés.
La chasse se popularise
Lorsque la noblesse changea de style de vie et constitua plutôt une aristocratie de cour, de robe, la chasse à courre devint surtout l’apanage du roi et la chasse perdit son importance et sa symbolique. Ce qui sera d’autant plus vrai après
La révolution marqua la fin des droits de chasse après la fameuse nuit du 4 août. Chacun put chasser et personne ne s’en priva en achetant à partir du milieu du 19ème siècle, la permission de chasser en acquittant une Taxe de Chasse. Tout à la joie de pouvoir enfin chasser comme les nobles, les hommes abattirent tant de gibiers prédateurs comme les loups, les ours qu’ils disparurent. Les autres bêtes sauvages pullulèrent alors, devinrent trop nombreux et s’affaiblissaient.
Il devenait urgent de réglementer la chasse ce qui fut fait par des décrets protégeant la faune en fixant des dates d’ouverture et de fermeture de la chasse et en interdisant de chasse certaines espèces menacées. Il fut aussi interdit de les vendre dans les commerces et aux restaurants. Les sociétés de chasse virent le jour achetant des réserves où les chasseurs pouvaient se livrer à leur activité préférée à l’aide de fusils de plus en plus perfectionnés.
De ce fait, chez les particuliers, le gibier est devenu de plus en plus minoritaire dans l’alimentation. Il redevient la marque du luxe, l’exception des repas de fêtes tel qu’il était aux siècles précédents. Il faut savoir cependant que la plupart du gibier que vous achetez chez les volaillers ou congelé est du gibier d’élevage. Il existe de nombreux élevages de sangliers, autruches, bisons, biches et chevreuils, lamas et autres bêtes à poil. Ce qui change les manières de préparer le gibier à poil avec des recettes moins lourdes et plus adaptées à notre goût actuel où l'étape de la marinade est superfétatoire.
Chardin, Nature morte au lièvre
Mots-clés : Gibier
le 05.12.08 à 09:00
dans Histoire des aliments
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