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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Et l’histoire du pain devient plus visible



L’Europe et la France appartiennent à la civilisation du pain qui est la base de la nourriture et même la seul nourriture pour les plus pauvres. Le prix du blé fut donc très vite réglementé, on ne vendait pas au même prix les « grands bleds » : froment et seigle et les « petits bleds » : orge et avoine.
Le pain n’était pas fait par des artisans boulangers dans les premiers royaumes des francs et des mérovingiens, on cuisait le pain chez soi, après avoir porté son blé au moulin toujours situé au bord d’une rivière. La plupart des femmes fabriquaient ce qu’on appelle encore le pain de ménage qui sont des grosses miches ou tourtes de 5 à 6 kilos qui se peuvent se conserver plusieurs semaines. Ils sont lourds et nourrissants. On pétrissait une fois par mois ou par quinzaine et les pains étaient cuits soit dans le four de la maison surtout lorsqu’elle était isolée, soit dans le four commun, le plus souvent construit à côté du moulin près de la rivière à cause des risques d’incendie. Moulin et four appartenaient aux communautés villageoises. Le levain était précieusement conservé dans des pots. La pâte était pétrie dans la maie ou le pétrin et levait ensuite dans des corbeilles garnie d’une toile qui ont un nom différent dans chaque région.

 
On voit que très vite une différence se pratique s’établit entre les villes et les campagnes. A la campagne, le pain sera pétrit et cuit chez soi, c’est le travail de la maitresse de maison. Le pain est cuit dans le four du village puis dans le four banal qui comme le moulin appartient au seigneur et est utilisé contre le paiement d’une taxe. Après la révolution, les fours devinrent la propriété des villages et, en règle générale, seules les grandes fermes isolées possédaient un four.

 Dès le 14ème siècle, les boulangers parisiens commencèrent à façonner des petits pains longs : pains de chailli, pain coquillé qui étaient des pains blancs, pain bourgeois, pain de brode : pains bis. Il y eut même des pains blancs dit pains de Gonesse à Paris, fouace ou pain brié en Normandie, faits d’une pâte si dure qu’il fallait la pétrir avec les pieds.
Avec l’apparition de la levure, les boulanges firent des « pains à la reine » ou « pain de festin » qui contenait aussi du lait et du sel.
Furetière dans son Dictionnaire disait que le pain de froment est le meilleur, le pain de seigle lâche le ventre et le pain d’orge set bon pour les chevaux.
Au fil des siècles la qualité des farines s’améliora par l’élimination des enveloppes de grains et des poussières et détritus. Au 19ème siècle, furent créées les premières variétés hybrides de blé qui résistaient aux insectes ; malgré tout le 19ème siècle fut encore traversé de crises vivrières entrainant des hausses du prix du pain et des troubles, des rationnements et des distributions de pain aux plus nécessiteux. Perdura aussi la différence entre pain blanc des riches et pain bis des pauvres car les progrès techniques ne permirent de meilleurs rendements qu’au début du siècle suivant.
    

 

Le four fermé, hérité des grecs est composé d’une voute de pierre ou de brique posée sur une sole plate recouverte de briques réfractaires. Ce four ne possède qu’une seule ouverture que l’on ferme à l’aide de portes par laquelle on charge le combustible, on enfourne le pain et on enlève les braises. C’est un four à chauffage intermittent et direct. Chauffer le four était une grande affaire, il fallait le charger à l’avance de fagots de bois sec, de genets, de varech, de coquilles de noix, de tourbe ou de bouses selon les régions. Lorsqu’il était bien chaud, on poussait les braises au fond et on entrait les pains à l’aide d’une longue pelle en bois. Le pain cuisait directement sur la sole.
 Ce
n’est qu’au 14ème siècle, qu’on améliora le système en construisant un foyer situé en dessous du four auquel il communique par une ouverture appelée gueulard, c’est le four à chauffage intermittent indirect. L’ouverture se fait par des portes à double battant, puis des portes à guillotine.
Maintenant les fours sont automatiques, à chauffage continu à sole fixe, à plusieurs chambres de cuisson chauffées par des conduits, fours à chauffage continu à sole mobile, fours à balancelle, fours-tunnels.  Ils sont équipés d’appareil à produire de la vapeur d’eau pour diffuser de la buée qui maintient une atmosphère humide et donne aux pains cette belle couleur dorée. Auparavant les pains étaient gris et ternes et pour éviter cela on mouillait le dessus du pain ou on humidifiait le four.




Four à pain XVIIIème siècle, Bassilour, Pays basque

Naissance des boulangers
Les boulangers n’existaient que dans les grandes cités, ils pétrissaient dans leurs ateliers et étaient eux aussi contraints de cuire au four commun. Appelés d’abord talemelier, talmier ou tamisier désignant celui qui tamisait la farine, il pouvait pétrir et faisait cuire le pain à sa manière dans le four communal. Ces talemeliers maitrisaient surtout la cuisson. Ensuite ils prirent le nom de panetiers, puis boulengers, de pain en boule nommée boulenc et enfin boulangers. Lorsque les maisons furent construites en dur, ils purent avoir leurs propres fours à pains accolés à leur boutique.
Pour devenir patron boulanger, il fallait passer un brevet de maîtrise qui consistait en la réalisation d’un chef d’œuvre noté par ses pairs et le paiement d’une redevance annuelle appelée le « hauban ». Le maitre logeait et nourrissait ses apprentis qui payaient leur apprentissage. L’apprentissage durait 2 à 3 ans, puis on devenait compagnon ce qui donnait autorité pour former des apprentis. La corporation des boulangers que Charlemagne voulait ne pas voir manquer était soumise à des règles très précises concernant le poids du pain, sa qualité et son prix. Charles V, par décret, ordonna que l’on fit 3 sortes de pain : le pain blanc bourgeois, le pain brun et le pain noir, car on ne mangeait pas le même pain selon son rang. De même qu’il interdit aux boulangers de vendre des pains ratés c’est-à-dire mangés par les rats et souris.



Epeautre


Très souvent, les pains sont faits de farines mélangées : méteil, farine et seigle, farine et orge, seigle et sarrasin, par économie bien sûr et aussi parce que les paysans plantaient leurs champs de différentes variétés de céréales pour se prémunir des aléas du climat. Les céréales utilisées étaient le froment, l’épeautre, l’orge d’hiver dit escourgeon, le millet, le sarrasin et le seigle, le maïs fut utilisé dans le sud-ouest dès le 15ème siècle.
Cependant les guerres les épidémies, les aléas du climat et la baisse du niveau de vie entrainaient régulièrement des disettes au cours des quelles le peuple se révoltait et allait réclamer son pain quotidien. On fabriquait donc des pains de substitution, ou pain de disette fait d’un mélange de farine non tamisée d’avoine, de seigle, de sarrasin, d’orge, de millet, de lentilles, de fèves et haricots, pois secs, châtaignes et glands. Ces pains levaient mal et étaient difficiles à digérer. Ces révoltes étaient compréhensibles car les achats de pain représentaient la moitié du salaire d’un ouvrier parisien au 16ème siècle, que la ration quotidienne d’un paysan contenait 800 gr de pain. Ce qui explique que tout au long de l’Ancien Régime les disettes succédaient aux distributions de pain ou de grains. C’est même sous la Révolution que naquirent les premières cartes de pain octroyant 1,5 livre de pain aux travailleurs et pères de famille et 1 livre au reste de la population. 


Mots-clés : Technorati

le 07.03.08 à 19:44 dans Histoire des aliments
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