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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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En Afrique aussi le riz est autochtone

Une autre manière de cultiver le riz








Deux espèces de riz sont cultivées en Afrique depuis des millénaires, quatre millénaires exactement, en Afrique de l’Ouest.
Oryza glaberrima,  une espèce indigène, de couleur rouge poussait sauvagement au Mali, très certainement dans la région de Macina là où le Niger, le fleuve, forme une vaste zone très arrosée où les nombreux bras du fleuve se mêlent aux lacs. Il fut domestiqué par les populations locales tout le long du fleuve Niger, puis sa culture s’étendit du Sénégal au Nigeria, dans ce pays que les marins européens appelaient
la « Côte du Riz ».
Oryza breviligulata, poussant dans les marécages, est encore récolté au Mali, au Niger et au Tchad.

Cette culture, florissante, permettait d’assurer la subsistance des habitants de cette région et était l’objet de soins constants et d’une technologie complexe ; en effet, les africains cultivent souvent le riz sur des rizières flottantes, culture difficile et fatigantequi oblige à un travail supplémentaire, celui de nouer les panicules (grappes d’épillets) quand les grains arrivent à maturité, sinon la récolte tomberait à l’eau.

C’était aussi une source non négligeable de revenus car les caravelles, avant même que Vasco de Gama ne fasse le tour de l’Afrique, ramenaient à Lisbonne le riz, appelé malo, maro ou mano selon les contrées de la fameuse Côte du Riz.

Actuellement, le riz dans l’Afrique de l’Ouest, est toujours cultivé le long du fleuve Niger, un peu au Sénégal, dans des petites zones de cultures vivrières, au Mali où les récoltes dépendent des pluies (comme en Tanzanie à l’Est), au Niger, dans la région de Tilaberi, au nord de Niamey, au Nigeria dans la dépression de la vallée du Niger et dans son delta. Mais cette côte devint aussi, un peu plus tard, la Côte des Esclaves. Mais ceci est une autre histoire, ou plutôt un autre épisode de cette saga du riz.

Dans l’Est de l’Afrique, le riz est arrivé très tôt de l’Asie dans les ballots des marchands des caravanes de la Route de la Soie, en Egypte, et sur la côte Est par Zanzibar. La riziculture a connu un essor remarquable au 19ème siècle dans le delta du Nil, et surtout dans les années soixante, lors de la réforme agraire, dans le bassin du Fayoum. L’Egypte est un important producteur de riz et les habitudes culinaires des égyptiens ne sont pas sans rappeler les traditionnels plats de l’ancienne cuisine arabe. Avec, notamment, le fameux Koshari, plat roboratif qui mélange riz, pâtes et lentilles, le plat national égyptien. Les cultures de riz perdurent encore au Mozambique, dans les vallées du fleuve Limpopo et Zambèze.

 

Cependant, les productions de riz ne suffisent plus pour alimenter les marchés locaux et les importations sont nécessaires. Car la riziculture sèche dépend trop des pluies, aléatoires, pour les récoltes Le matériel agricole utilisé reste fruste et élémentaire : araire en bois, zébu et surtout la force de travail de chaque paysan. Les rendements sont, par conséquent, médiocres en comparaison d’une riziculture mécanisée des pays industrialisés qui importent leur surplus en Afrique.



L’autre pays du riz, en Afrique, est MADAGASCAR où le riz est arrivé par bateaux des pays européens. Cependant il existait une variété locale de riz, avant l’arrivée des européens, qui avait été apporté par des indonésiens il y a trois mille ans : le fameux vary mena, un riz rouge d’origine japonaise croisé avec des riz sauvages africains, considéré comme une variété indigène.

Le grand boom du riz sur cette île a eu lieu sous l’impulsion du roi Andrianjaka, au 16ème siècle, qui stimula si bien ces sujets que les riz malgaches remplissaient les assiettes des habitants des Comores et de l’Afrique Orientale et Occidentale et même de l’Amérique.
A Madagascar, toutes les variétés de riz sont vendues au même prix sur les marchés sauf le riz rouge, le vary mena qui est aussi beaucoup plus nutritif et c’est pour cette raison que chaque paysan réserve un champ de ce riz pour un usage familial et que les meilleurs vary mena sont réservés aux personnes âgées et aux malades. Le riz représente 70% des calories quotidiennes, chaque malgache mange du riz trois fois par jour, au petit déjeuner en potage avec des légumes verts sauvages, au déjeuner accommodé avec poivre et chili peppers et au souper mélangé à du poulet cuit en ragoût, ou des œufs frits, des pois, lentilles ou feuilles pillées de manioc revenues dans l’huile. Tout en les mangeant, il boit du rano-pangu qui est une eau bouillie dans laquelle infuse de la balle de riz grillée. Le riz qui est leur récolte principale a des liens profonds avec la religion et les rituels traditionnels des sociétés villageoises. Si, en campagne, les paysans mangent le riz qu’ils récoltent, les villes dépendent des importations. Les rizières sont plantées aussi bien  en plaine que sur des terrasses. Les paysans malgaches plantent aussi bien le riz sur des champs temporaires en culture sur brûlis que sur des champs permanents, en culture sèche comme en culture irriguée. Les paysages de la culture irriguée montrent des rizières de marais avec des riz flottants comme en Afrique occidentale, des rizières sèches ou pluviales qui dépendent de la pluie, et les rizières inondées et drainées.

Les paysans malgaches ne possèdent, en général qu’un araire en bois et un zébu qui sert autant à tirer l’araire et la charrette qu’à aérer le sol par ses piétinements, et faute de matériel adapté ils se servent du sol pour sécher les grains et d’un pilon et d’un mortier pour le débarrasser de sa balle. La région qui produit la grande majorité des riz malgache, au sud est de l’île, tend à s’étendre. Hors,  l’écosystème malgache est en grand danger. Il ne faut pas oublier que Madagascar est un des centres mondiaux de la biodiversité : 90% des espèces sont endémiques et des groupements essayent de diminuer l’impact de l’agriculture sur la vie sauvage de l’île. Au nord de la zone de riziculture se trouve le parc national de Analamazotra-Andasibe, le dernier corridor encore intact de la forêt sauvage. Pour limiter les conflits entre les paysans qui luttent pour leur survie et les environnementalistes qui protègent la vie sauvage, des ONG travaillent à édifier une agriculture éco-soutenable qui satisfasse tout le monde : une agriculture qui protège l’environnement, réduisant l’érosion tout en augmentant les rendements. Une belle utopie qui est devenue réalité qui s’appelle « Système de Riziculture Intensive ». En semant plus tôt que le veut la tradition, les rendements sont doublés, si, ensuite les plants sont replantés un à un sans endommager les racines, en rangées bien espacées, si la culture du riz est alternée avec d’autres qui en fixant le nitrogène restaurent le sol, sans pesticides ni fertilisants chimiques, et que les champs sont drainés chaque jour, les récoltes sont abondantes et de bonne qualité. Cette technique a permis de promouvoir cinq variétés locales de riz avec un minimum d’impact sur l’environnement et surtout proposer une alternative viable économiquement à la culture sur brûlis si désastreuse pour le pays. Slow Food, avec le soutien technique de Risi & Co-Gli Aironi (Italie), a soutenu cette initiative en investissant dans un équipement propre pour le décorticage, pour l’emballage et l’étiquetage afin que l’association Kolo Harena, qui réunit les 1425 fermiers de 115 associations des villages de Ambatavola, Beforona et Andavibe, soit en mesure de produire et de transporter un riz capable d’être compétitif avec les variétés de riz importées que l’on trouve sur les marchés locaux. Un « Centre de Diffusion pour l’Intensification Agricole » a été créé qui a une vocation éducative tant sur un plan agricole que commercial ou humanitaire. Les paysans apprennent l’élevage des poulets, les techniques commerciales pour étendre leur aire de vente et la prévention contre la malaria. Le riz peut rester ainsi une des richesses de Madagascar, tout en œuvrant pour la préservation des espèces animales – caméléon, indiri indiri (lémurien) et le nocturne aye aye - tout en respectant aussi l’homme qui le cultive.







Mots-clés : Technorati, Technorati

le 12.05.05 à 15:35 dans Histoire des aliments
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