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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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DON ALIMENTAIRE

Nous voyageons maintenant vers d'autres continents, qui nous montrent que tous les humains ressentent les mêmes interrogations face aux mystères de la nature et éprouvent les mêmes besoins de donner des explications à l'apparition de leurs nourritures essentielles qui deviendront les emblèmes de leur culture alimentaire.

 LE RIZ

En Chine le millet et le blé sous toutes leurs formes étaient les aliments de base des Chinois, et l’histoire, la culture, la mythologie et la vie de tous les jours sont marquées par le riz. Comme pour le thé, on prête à l’empereur mythique Shennung l’introduction du riz en Chine et le rite annuel de sa plantation. Il remplaça donc les autres céréales comme nourriture de base des chinois. Dans la vie de tous les jours, le riz apparaît à tous les repas, accompagné de légumes, viandes et poissons et leurs préparations ont influencé la fabrication et l’utilisation des ustensiles de cuisine. Sur un plan plus spirituel, le riz fait partie des offrandes que l’on fait aux dieux et les morts ne partent pas pour leur dernier voyage sans une bouchée de riz dans la bouche car le « qi » est décrit comme la vie.

Le riz au Japon

Les dieux sont des esprits divins du shinto appelés kami. Il est nécessaire pour les hommes de leur faire des offrandes afin d’obtenir leur protection. Ces offrandes sont les produits du travail de la terre parmi lesquels il y a le riz, surtout le riz. Apportées dans les temples ou posées sur l’autel familial, ces offrandes sont le symbole de l’entente des dieux et des hommes et des hommes avec leur milieu de vie.

Comme souvent c’est une femme qui fait offre aux hommes l’aliment qui sera essentiel pour eux. C’est la déesse du soleil Amaterasu Omikami qui offrit la culture du riz aux habitants de l’archipel nippon en envoyant un vieil homme portant sur son dos des bottes de riz. C’était le dieu Inari, dit le porteur de riz, dieu de l’abondance et des richesses. Le nom du riz fut donc INE dont le kami est un renard tenant sous sa patte un joyau figurant un grain de riz ou portant dans sa bouche la clé du grenier à riz. 40000 sanctuaires lui sont dédiés reconnaissables à leur torii en enfilades auxquels on suspend des bandelettes en paille de riz. On croyait aussi fermement qu’un repas de riz pris en présence d’un moine bouddhiste apportait aisance et chance : don et contre don.

Le riz est l’âme du Japon, il répond au besoin de survie des hommes à un point tel qu’il est présent dans tous les rituels religieux, les traditions, la vie sociale et le langage. C’est le cycle du riz qui a imposé l’usage du calendrier : le Nouvel An est le début de l’année agricole, De grandes fêtes ponctuent le cycle du riz, la Fête du Nouveau Printemps où les cultivateurs réclament la protection du dieu Kami pour les rizières, Satzuki en l’honneur du dieu Sa, dieu des rizières, célébré par des chants, des flûtes, des tambours et des gongs, lors du repiquage, la fête des moissons où l’on salue encore une fois le dieu Sa qui quitte les rizières pour regagner la montagne et la déesse Amaterasu Omikami à qui est offert les produits de la récolte des rizières : du riz cuit, du gruau de riz, du saké blanc et du saké noir coloré avec des cendres que l’on partage avec elle

 

En Inde c’est également un dieu qui offre aux hommes le riz basmati.

Draupadi, l’épouse de Pandavas, venait de finir de nourrir sa famille lorsque Durvata, un sâdhu, arriva très affamé. A cette époque, les réserves de Draupadi étaient vides et il ne lui restait plus un grain de riz. Affolé à l’idée de ne pouvoir satisfaire aux règles de l’hospitalité, elle implora Krishna. Krishna lui demanda de lui apporter ce qui lui restait. Etonnée et dubitative, Draupadi lui apporta son pot vide. Et Krishna lui remplit lui permettant de la sorte de pouvoir offrir un repas à Durvata qui la bénit.

Le riz est en Inde un symbole d’abondance et de fertilité et possède une grande valeur sacrée.

 
L E THE

La botanique et la médecine chinoises font remonter l’usage du thé à des temps immémoriaux, sous le règne de Shen - Nong qui désirait améliorer le sort des humains. Transportons-nous en 2737 avant J.C sur les collines surplombant le Yangzi - Jiang : “A l’époque où les dieux n’étaient pas encore des hommes, mais où les hommes étaient encore un peu des dieux, le dernier des trois empereurs mythiques, Shen Nong, par souci du bien-être de ses sujets, avait créé les premières plantations de blé et de riz. Considérant que, pour se consacrer à la culture, les habitants de son empire devaient être en bonne santé, il leur avait ordonné de faire bouillir l’eau avant de la consommer, l’eau étant alors leur seule boisson. Un jour de grande chaleur, alors que l’empereur se reposait à l’ombre d’un petit arbuste, il applique ses préceptes et, avant de se désaltérer, fit bouillir l’eau dans une petite jarre. Le vent s’étant levé, quelques feuilles de l’arbuste y tombèrent. A son réveil, l’empereur trouva si “merveilleusement délicieuse” cette infusion improvisée qu’il entreprit sur le champ la plantation d’un jardin de thé. Dans le même temps, il encouragea vivement ses sujets à s’adonner à cette culture et à faire du thé leur boisson favorite.”

 
LE LAIT

Il existait Amalthée la chèvre qui nourrit Zeus

En Inde, Agni, – le dieu Feu, médiateur obligé des relations entre les hommes et les dieux à travers les rites –, a mis sa semence dans les vaches. Assimilée à la chaleur solaire qui permet au cosmos d’exister, la tiédeur du lait en fait l’offrande par excellence, agnihotra, qui peut être présentée en tout temps et en tout lieu, dans le cadre domestique ou solennel. Le lait est associé, dans la religion védique, à un vaste réseau symbolique qui concerne à la fois la cuisson et les boissons.

Par une action de barattage, sur laquelle les idées religieuses se sont aussi exercées, le lait produit le beurre rituel, ingrédient nécessaire de nombreux gestes cérémoniels, dont l’usage s’est prolongé dans l’hindouisme historique et contemporain. Quintessence du lait obtenue par un effort de transformation, il constitue une offrande particulièrement appréciée

On retrouve ce don dans la figure du Krishna, le maître des vaches. L’enfant divin est recueilli et protégé contre la fureur meurtrière de son oncle par des pasteurs qui vivent dans une clairière où s’entend « le flic flac des barattes », « l’éclaboussement du petit lait », où « la terre est tout humide d’eau de yaourt », où l’air « embaume la senteur du beurre fondu » (Harivamsha 48, 24-26). Il s’agit là d’un véritable paradis, tel qu’on en trouve dans les cosmologies. Le héros facétieux se gave des précieuses substances et les vachères se lamentent : « Il ne me reste plus une goutte de lait, de petit-lait, de beurre fondu et de yaourt ! ». Le mythe krishnaïte célèbre ainsi la manifestation d’une présence divine dont l’univers est le terrain de jeu et qui répond au nom de Gopâla, le bouvier, roi, gardien des vaches et des valeurs brahmaniques.

Le mythe du barattage de l’océan de lait appartient au cycle de Vishnu protecteur et restaurateur du dharma, de l’ordre cosmique, grâce à sa capacité à descendre dans le monde pour le sauver en suscitant des formes de lui-même ou avatâras.

 
 
LE MAÏS

« Le premier homme était d’argile, il fut détruit par une inondation. Le deuxième homme, de bois, fut dispersé par une grande pluie. Seul le troisième homme a survécu. Il était fait de maïs »

Popol Vuh (Le grand Livre des Mayas)

 Il était une fois, il y a des milliers d’années, une déesse nommée Chicomecoalt offrit le maïs aux habitants de l’Amérique du Sud. Il fut disséminé à travers tout le continent américain au gré des vents qui emportent le pollen mâle et il fut fécondé par la téosinte (l’ancêtre du maïs), de leur union naquit le maïs sauvage donnant aux populations leur nourriture quotidienne. Dans ce mythe, comme dans d’autres cités Levy-Strauss dans le Cru et le Cuit, les plantes cultivées sont révélées par une déesse et procrées par un homme.

On remarquera le rôle important des déesses qui comme les femmes donnent la vie, car sans aliments point de vie. Le concept des déesses-mères est facile à comprendre et à concevoir dans des civilisations de l’oral et de l’image. C’est la Terre-Mère donatrice de tout ce qui est indispensable aux humains et même aux animaux, c’est la Mère créatrice de la vie, une déesse de la Fécondité, protectrice de la faune et la flore dont le culte est célébré autour de statues représentatives de cette fécondité dans toutes les sociétés préhistoriques et dont les déesses sumériennes, égyptiennes, grecques et romaines sont les avatars.

Pour en savoir plus sur ces aliments, je vous renvoie aux mots-clés dans l'onglet " j'en ai parlé".

A suivre...

 

le 09.10.21 à 16:29 dans Autour de la nourriture
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Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

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