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Desserts
Après cette période de fêtes où les pâtissiers ont rivalisé d’imagination et de talent pour fabriquer des bûches les plus originales et les plus nouvelles possible et où nous dégusterons bientôt les gâteaux rois qui, eux, restent très traditionnels, nous allons faire un petit voyage au pays des desserts. La multitude et la variété des desserts font de ces mets une particularité gastronomique de notre pays, inimitée ailleurs.
Les desserts, une spécialité bien française
Pas de repas gastronomique sans dessert, pas d’anniversaire sans un gâteau, pas de thé, de goûter, de repas entre amis sans quelques gâteaux, faits maison de préférence. Car même la plus piètre ménagère sait au moins faire un gâteau simple et sur les blogs de cuisine, ce sont les gâteaux et les friandises qui sont le plus souvent présentés. Les desserts et par conséquent les gâteaux et autres pâtisseries sont vraiment un des emblèmes de la gastronomie française. Ces desserts nous sont enviés par les pays étrangers où il n’existe pas autant de variétés de gâteaux.
l'anniversaire de tante Jeanne
la décoration de Grand-Papa, les livres de pâtisseries de l'entre-deux guerres offraient un choix incomparable de gâteaux. Tous n'étaient aussi kitschs que ceux-ci.
Le mot même dessert signifie : ce qui est servi quand la table est desservie. On enlève tout ce qui avait été posé sur la table auparavant : salière et poivrière, assiettes et couverts, vin, pain et miettes de pain pour apporter les assiettes et couverts à desserts. Au Moyen-âge, on remplaçait même la nappe avant d’apporter les desserts. Les desserts représentent un service à part dans le repas, un service qui peut être facultatif.
Les desserts qui ont pour mission d’amuser les estomacs rassasiés, des palais saturés sont des pâtisseries réalisées à partir de farine, d’œufs, de sucre, de lait et de beurre qui nourrissent l’imagination et suscitent du plaisir.
Les desserts vont porter différents noms au cours des siècles. Au XIIIe siècle on leur donnait de jolis noms comme fritel, tortel, friolette, chastenel, chosete qui étaient des petites gourmandises. Plus tard, les pâtisseries prirent le nom de "métiers" qui désignaient les petites gaufrettes, les darioles, les oublies que l’on dégustait aussi dans la journée pour couper sa faim ou juste par plaisir.
Gaufres
Le XVe siècle voit se développer les desserts et gâteaux. Les techniques s’affinent et le matériel et les cuissons sont plus perfectionnés. Les pâtissiers fabriquent des fongelines (fouaces au sucre et au musc),
des cannellines,
des massepains,
des pignolats,
des roquilles à base d’écorces d’orange confites en forme d’anneau,
des macarons et des samblettes.
Des badrées ou badrayes qui sont des pâtisseries sur lesquelles on étend de la marmelade de pommes,
des bardanoises sorte de tarte aux pommes et raisins de Corinthe recouverte d’une fine couche de pâte.
Connaissez-vous les moustacholles ou marselettes, petits gâteaux à base d’amandes douces, grillées et pilées, de cannelle en poudre, de sucre et d’œufs assaisonnées d’écorce de cédrat,
les nieulx, fins copeaux de pâte frits et saupoudrés de sucre,
les craquelins, les gimbelettes, les poupelins, les maselettes au méteil, les casse-museaux ?
Peut-être pas mais si je vous dis pets de nonne, sabayon, choux, pain perdu, chausson aux pommes, crêpe, gaufre, beignet, flanc, bretzel, tarte à la frangipane cela vous parle davantage car avec les macarons et les massepains, ces gâteaux sont restés dans le répertoire des desserts. Les autres ont disparu !
Les desserts des sacrifices offerts par les Gastrolâtres à leur Dieu Ventripotent,
« Fromages,
Pêches de corbeille,
Artichauts,
Gâteaux feuilletés,
Cardes,
Sornettes,
Beignets,
Tourtes de seize sortes,
Gaufres, crêpes,
Pâtés de coings,
Œufs à la neige,
Myrobolans confits
Gelée,
Hypocras rouge et vermeil,
Pâtisserie angevine,
Tartes, vingt espèces,
Crème,
Fruits confits et confiture, soixante-dix-huit espèces
Dragées de cent couleurs
Jonchées
Oublies au sucre fin
.Du vin suivit ensuite, de peur de maux de gorge. Ainsi que des rôties.
Rabelais, Pantagruel, le quart livre, 1552
Tous ces noms de gâteaux sont joyeux et expriment l’essence même des desserts et pâtisseries:
la fête, la joie, le plaisir pur et gratuit.
On fait des gâteaux pour faire plaisir, pour fêter quelque chose ou quelqu’un. Quasiment chaque fête religieuse possède son gâteau et on ne fabriquera pas le même gâteau pour un baptême, les relevailles, des fiançailles, un mariage ou après un enterrement.
Au Moyen-âge, les rares livres de cuisine (la plupart des cuisiniers comme l’ensemble de la population ne savait ni lire, ni écrire) étaient très avares en recettes de desserts. Prenons par exemple, l’ouvrage de
Maitre Chiquart, "Du fait de cuisine"
dans lequel il donne les menus et recettes pour un phénoménal banquet de trois jours. On n’y trouve que quatre recettes de desserts : un gâteau de semoule, un emplumeus de pommes, (compote améliorée), un flan au lait d’amandes et du sirop d’orgeat.
Il y a très peu de desserts car le sucre était inconnu et ensuite, il fut rare et cher. D’autre part, dans les grandes maisons, le cuisinier cuisinait les viandes, les poissons, les légumes mais jamais de desserts qui étaient dévolus à un spècialiste, nommé officier. Les officiers étaient rares.
Et dans la plupart des foyers, la maitresse de maison cuisinait seule et faisait ce qu’elle pouvait pour réaliser des desserts quand elle possédait une cheminée et un matériel suffisant. Elle pouvait faire
des crêpes,
des crèmes,
des bouillies,
du pain perdu.
Comme le four n’existait pas, elle cuisait crèmes et bouillies dans des pots enfouis dans des braises chaudes. De la même façon cuisaient tartes et tourtes. Dans les grandes occasions, les maitresses de maison recouraient au service du pâtissier ou du boulangers qui possédaient des fours.
Tartes aux fruits
Jusqu’au XVIIe siècle, les tartes et les tourtes dominaient, autant salées que sucrées. C’est une pièce de four, que l’on garnissait de crème, de confiture, de fruits frais et de fruits secs, de frangipane quand il s’agit de desserts. On les prépare pour les noces et les banquets.
L’année 1653 marque la parution du premier livre de desserts : Le Pâtissier François de La Varenne, cuisinier chez le marquis d’Uxelles.
C’est un évènement qui consacre le goût et l’utilisation du sucre. On y trouve la recette de la pâte brisée et sablée, de nombreuses tartes et tourtes, de biscuits dont le célèbre biscuit à la Reyne, ainsi que celle des macarons. D’autres cuisiniers après lui donneront des recettes de desserts qui se démocratisaient et se popularisaient, Pierre de Lune, Audiger, Massaliot et l’énigmatique L.S.R qui écrivirent des recettes de crèmes et d’entremets, des crèmes glacées, de potages de fruits et de préparations au chocolat.
Eh, oui c'est un gâteau appelé par Carême Cascade de Rome antique
Mais la révolution pâtissière est due à Carême et à l’invention du four. Carême, s’inspirant des monumentales pièces des tables princières réalisa et expliqua par écrit comment réaliser des gâteaux qui tenaient autant de l’architecture que de la pâtisserie. Certaines parties n’étaient d’ailleurs pas comestibles. On le considère comme l’inventeur de la pièce montée.
Le XIXe siècle voit le triomphe de la cuisine bourgeoise et l’avènement des restaurants. Les maisons de café et salons de thé se multiplièrent entrainant la création de multiples gâteaux et desserts appropriés à exciter l’appétit de convives rassasiés. Au début du siècle, on garda les repas à plusieurs services et les entremets proposaient des plats de légumes et des desserts sucrés en égale proportion. Le service à la russe se généralise et le dessert prend sa place à la fin du repas et propose des gâteaux, des fruits, des petits fours secs ou glacés et des biscuits, des sucreries diverses et des fruits déguisés. Sur les cartes des grands restaurants parisiens comme Beauvilliers, à la rubrique dessert on peut lire : gâteau de millefeuilles, biscuit, gâteau de vermicelles, crème aux pistaches, beignets d’abricots, de blanc-manger, biscuits à la cuiller, macarons, confitures sèches, fruits déguisés, gelées de fruits, omelettes à la confiture, glaces etc.
fruits déguisés
Mais c’est surtout la simplification et l’allègement des menus qui donnèrent aux desserts une place importante. La fin du XIXe siècle et en particulier le Second Empire voient l’avènement des gros gâteaux et de célèbres pâtissiers tel Chiboust, l’inventeur du St Honoré et de la crème chiboust sans laquelle un Paris-Brest ne serait pas ce qu’il est. C’est l’époque du riz à l’impératrice, du savarin, du malakoff.
C’est alors que la visite dominicale chez le pâtissier est instaurée, on y achète
les babas,
les religieuses et les éclairs,
les tartelettes,
les millefeuilles,
les choux à la crème ou choux grillés,
les succès,
les napolitains à la confiture,
les génoises et les polkas,
les tartelettes amandines,
les biscuits roulés… je m’arrête ici sinon je remplirai la page.
C’est la mode des bombes glacées, des îles flottantes, des mont-blanc, des charlottes, des vacherins, des bavaroises, des marquises, des dacquoises, des croquembouches, des crêpes Suzette, de l’irrésistible moka.
Pierre Lacam, le plus grand pâtissier du siècle rédigea un "Mémorial historique et géographique de la Pâtisserie" dans lequel il recense plus de
3000 recettes de desserts !
Riz à l'impératrice
Bombe glacée
Parallèlement les ménagères n’étaient pas en reste. Les livres de cuisine se popularisant et les cuisines possédant des cuisinières au gaz ou au charbon, les maitresses de maison préparaient quotidiennement des multiples entremets : crème aux œufs et crème renversée, gâteau de riz, de semoule, crème au tapioca, œufs à la neige, puddings au pain etc. Recettes économiques et bonnes transmises de mère en fille.
A la campagne, jusqu’à l’apparition de la cuisinières les gâteaux et pâtisseries étaient cuites dans le four à pain. Pendant que le four refroidissait cuisaient les chaussons aux pommes, les pains au lait et pains aux fruits. Le four pouvait être allumé pour les grandes occasions : fêtes de village, mariages, ou pour les repas de moisson ou de fin de vendange. On y cuisait les tartes aux fruits et les gros gâteaux dans le four du boulanger. Chaque région possédait son gâteau : biscuit de Savoie, far breton, gâteau basque, brioche, kougelhof, fouace, Millas, pastis, pogne, rabote, croustade, torteil, galettes et sablés …
D’ordinaire, on cuisait dans l’âtre sur les braises, dans des tourtières ou des cocottes les tourtes, les clafoutis et les tôt-faits. Dans les poêles à longue queue, on confectionnait des crêpes et on pouvait y frire des beignets. Les fers à gaufres munis eux aussi d’un long manche pour les gaufres.
Cette manière de faire dura jusqu’à l’avènement de la nouvelle cuisine dans les années 70. Les cuisiniers commencèrent à alléger les desserts comme ils allégèrent leur cuisine en général. Finis les gros gâteaux, les crèmes au beurre, les desserts copieux. Ils privilégièrent les fruits, les soupes de fruits, les mousses de fruits dans lesquelles les blancs d’œufs remplaçaient la crème ou le beurre et le chocolat. L’art et le design prenant le pas sur la tradition, ils inventèrent des constructions improbables, déstructurèrent les gâteaux classiques pour les revisiter. Les portions furent aussi diminuées mais les mignardises qui accompagnent le café remplissent ensuite généreusement les estomacs.
Cependant, dans quelques restaurants plus modestes, panna cotta, tiramisu, crème brûlée, crème au caramel, mousse au chocolat et les incontournables verrines sont sur toutes les cartes jusqu’à l’indigestion, un manque évident d’imagination. Il ne reste plus que les restaurants de cuisine dite régionale pour proposer encore du gâteau basque, du far breton, du pain de gènes, des clafoutis, des broyés du Poitou et de généreuses tartes aux fruits surtout en Alsace ou en Normandie.
Mais lassés de certains excès quand les desserts ressemblent à des dinettes, les gourmands retournent vers les millefeuilles, les éclairs et les grands desserts classiques. Allégés certes, les nutritionnistes veillent, mais on note un vrai retour vers la tradition. Alors reverrons-nous dans les pâtisseries ces petits gâteaux aux noms si désuets : marcelin, conversation, pomponette, jalousie, sacristain, fanchonnette, dariole, mascotte, mirlitons, puits d’amour, patriciens et miroirs…
Mots-clés : dessert , pâtisserie
le 05.01.11 à 09:00
dans Histoire des aliments
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Mon livre
L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines.Vos dernières réactions
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Commentaires
Excellente année gourmande à vous !
Bonjour,
Merci pour ces articles et celui ci ( moi qui aime les desserts et le sucre ) me plaît beaucoup.
Je profite de mon passage gourmand sur ce blog pour vous souhaiter une bonne année 2011 - à vous ainsi qu'à vos proches -.
En venant sur ce blog je réalise déjà une de mes bonnes résolutions : manger et boire en développant tout autant mon intelligence que mes sens .
Cordialement
zestedeprof - 07.01.11 à 16:57 - # - Répondre -
J'ai le livre de recettes d'où je crois que vous avez extrait les photos de gâteaux. Il appartenait à ma grand-mère, que j'ai peu connue, et avec ma copine d'enfance, nous l'avons beaucoup regardé. Je pensais mettre un article sur lui sur mon blog mais je n'ai pris le temps ou la peine pour le moment.
Eliflo - 30.01.11 à 20:20 - # - Répondre -
Pour la plupart, elles provenaient d'un livre de 1936 intitulé L'Art culinaire moderne, la bonne table française et étrangère, préfacé par Curnonsky. Peut-être est-ce le livre de votre grand-mère.
segolene - 31.01.11 à 08:54 - # - Répondre -
← Re: illustrations
Elles proviennent effectivement de "L'art culinaire moderne, la bonne table française et étrangère" de Henri-Paul Pellaprat, livre sorti en 1936 et édité aux Editions du livre, Monte-Carlo. Livre d'époque, avant la "nouvelle cuisine", recettes délicieusement kitsch, mais un professionnel impeccable. Les bases (sauces, pâtisseries, cuissons) sont d'une certitude absolue. Monsieur Pellaprat devait gérer sa brigade comme une section d'infanterie...
Livre qui se trouve encore sur Internet.
Anonyme - 09.12.14 à 13:21 - # - Répondre -
Merci pour tout
En tant que passionné de gastronomie, j'ai été ravi de lire cet article sur les desserts, une spécialité bien française. Les desserts font indéniablement partie intégrante de notre culture culinaire et ils sont enviés par les pays étrangers pour leur variété. J'ai été intéressé d'apprendre que le mot "dessert" signifie "ce qui est servi quand la table est desservie" et que les desserts ont évolué au fil des siècles, prenant différents noms et utilisant des techniques de cuisson de plus en plus perfectionnées. J'ai particulièrement apprécié l'histoire des desserts au cours des siècles et les noms originaux de certaines pâtisseries. Cet article est une belle célébration de la richesse de notre patrimoine culinaire en matière de desserts.
Sophie - 04.01.23 à 18:44 - # - Répondre -
Merci
Un rappel fascinant de l'importance culturelle des douceurs, et une invitation à redécouvrir les classiques oubliés.
Anonyme - 27.08.24 à 19:38 - # - Répondre -
Un rappel fascinant de l'importance culturelle des douceurs, et une invitation à redécouvrir les classiques oubliés.
Anonyme - 28.08.24 à 14:52 - # - Répondre -