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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Citrons et cédrats



Les agrumes sont des fruits de saison, pleins de bienfaits en ces mois de froidure et d’humidité. D’abord leur couleur est chaude et réconfortante et il existe une multitude de manières de les consommer et de les cuisiner. Mais savez-vous d’où vient le mot agrume ? Du matin comme la plupart des mots que nous utilisons, du mot acrimen qui signifie aigre et qui englobe tous les fruits appartenant à la famille des Citrus.

Citrus medica, c’est ainsi que les botanistes ont baptisé le cédrat. Les premiers cédratiers poussèrent spontanément au nord de l’Inde, au Cachemire; c’est là que les chinois le trouvèrent et ils l’acclimatèrent chez eux vers 1900 avant notre ère et l’appelèrent limung. C’est un arbre de petite taille aux feuilles allongées qui porte des fruits toute l’année. Le cédrat est un très gros citron à la peau épaisse et grumeleuse et surtout extrêmement parfumé, un parfum qui évoque celui du cèdre, d’où son nom et c’est d’ailleurs pour son écorce qu’il est utilisé car il est peu juteux, acide et plein de pépins. Par contre le cédrat confit est exquis et entre dans la composition de nombreuses pâtisseries et de liqueurs. La recette de cédrat confit est très ancienne : Notradamus l’a écrite en 1555.
De l’Inde, le cédrat fut emmené en Egypte et à Sumer (4ème siècle avant J.C), puis en Grèce où son usage resta limité à la parfumerie et la médecine.
Les romains l’acclimatèrent en Italie où il pousse encore, particulièrement dans la région d’Amalfi, et en Provence, et plus tard avec d’autres agrumes en Corse où sa culture se développa à tel point que  le cédrat confit est devenue une spécialité corse au 19ème siècle.
 

Longtemps, on a confondu en Europe cédrats et citrons

Le citrus limon ou citron jaune à la même origine géographique que le cédrat et la légende veut qu’Alexandre Le Grand  ramène de son périple en Inde ces fruits appelés « pommes des Mèdes ». Les romains l’utilisaient comme le cédrat en médecine, mais sa culture restait cantonnée à quelques jardins. Ce furent les arabes qui vulgarisèrent sa culture et sa consommation au cours de leurs conquêtes. D’abord en Sicile d’où il remonta en Toscane, Ligurie, puis en Provence où sa culture perdure car  le citron de Nice est toujours réputé. De l’autre côté de la Méditerranée, en Espagne  d’où il partit vers l’Amérique, serait-ce Christophe Colomb qui en apporta quelques pépins ? Pourquoi pas ?  De toutes manières le citron fut appelé à voyager car il fut utilisé à partir du 18ème siècle comme remède contre le scorbut qui décimait les équipages. On ne savait pas encore que c’était en raison de sa richesse en vitamine C. Son usage médicinal était déjà important. Mais pas seulement car les cuisiniers européens, à la suite de leurs homologues arabes, l’adoptèrent très vite. Le goût de l’acide que nous avons, hélas, perdu se satisfaisait très bien de cet agrume, entier et confit dans les cuissons des viandes et des légumes mijotés, son jus faisait aussi merveille dans les sauces où il finit même par remplacer le verjus. On avait aussi découvert ses vertus pour empêcher les fruits et les légumes de noircir après l’épluchage et le découpage et son remarquable pouvoir aromatique qui faisait merveille dans les pâtisseries, confiseries et boissons. Le mot limonade vient d’où, à votre avis ? Du citron dont le jus additionné de sucre et d’eau faisait une boisson très rafraichissante. Puis les rondelles des citrons s’introduisirent dans le ventre des poissons, ou entre des tranches de viandes et même, hélas, dans les tasses de thé. Ecorces confites ou non, zestes et jus entrent dans nombre de pâtisseries et des petits bâtonnets d’écorces de citrons confites dans le sucre ont des vertus gustatives et digestives très appréciées.
 

Le citron jaune a un cousin le citron vert ou lime, dit citrus aurantifolia en langage savant, fruit du limettier, arbuste épineux que les arabes introduisirent en Méditerranée mais aussi en Afrique. D’autres voyageurs l’emmenèrent dans l’Océan Indien et en Amérique tropicale où il devint l’indispensable ingrédient de nombreuses recettes des cuisines créole et brésilienne et du punch !

Il existe deux sortes de limettier, le second donne la bergamote ou citrus bergamia ou lime douce dont la peau hésite entre le jaune et le vert. Plus rond, peu savoureux mais très parfumé, son écorce est utilisée pour son arôme, par exemple dans le thé Earl Grey et aussi en parfumerie.
 

Et le dernier membre de cette famille nous est moins familier, il s’agit du combava qui ressemble un peu au cédrat, en plus rond et encore plus bosselé et de couleur verte. Ce citrus hystrix a pour nom plus familier : kaffir. Son zeste et les feuilles sont très utilisés dans les cuisines asiatiques et plus particulièrement de l’Asie du Sud-est où il pousse.

 

 


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le 14.01.08 à 19:19 dans Histoire des aliments
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Commentaires

 Quel voyage fascinant à travers l'histoire des agrumes ! Votre article dépeint avec éloquence et précision la riche histoire et la propagation des agrumes, de l'Asie à l'Europe, en passant par l'Afrique et l'Amérique. J'ai particulièrement apprécié l'explication sur l'origine du mot "agrumes" et la mention des différentes variétés de citron et leurs usages variés, qu'il s'agisse de cuisine, de médecine ou de parfumerie. Le passage sur le cédrat m'a ouvert les yeux sur un fruit que je connaissais peu auparavant. La connexion du citron avec les voyages, en particulier son utilisation pour combattre le scorbut, ajoute une dimension intéressante à sa place dans l'histoire. J'ai hâte d'en savoir plus sur d'autres fruits et leurs histoires respectives si vous décidez de partager davantage. Merci de partager un tel trésor d'informations !

Dinetto - 22.09.23 à 10:09 - # - Répondre -

 L'évocation de l'histoire des agrumes à travers les âges nous rappelle l'importance des échanges culturels dans la formation de nos traditions culinaires actuelles. Chaque passage, que ce soit sur le cédrat, le citron ou le combava, illustre comment un simple fruit peut être témoin et acteur de migrations, d'innovations et de métissages culturels. Les anecdotes, comme celle d'Alexandre le Grand ramenant le citron de ses voyages, ancrent ces fruits dans des récits historiques fascinants et donnent de la profondeur à nos connaissances culinaires. Cela montre également combien la nourriture est bien plus qu'une simple nécessité ; c'est un miroir de nos sociétés, de nos voyages et de nos évolutions. En lisant ce texte, on est encouragé à redécouvrir et à célébrer la richesse que les agrumes apportent à notre table et à notre histoire.

Dinetto - 22.09.23 à 10:12 - # - Répondre -

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