S'identifier - S'inscrire - Contact

Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

Recherche

 

Champagne!

 

 

Champagne ! En ce début de printemps, période de cérémonies de toutes sortes, les bouchons vont sauter. Il n’est pas de fêtes sans champagne : mariages, baptêmes, réussites aux examens, signature d’un contrat de travail, anniversaires, le nouvel an... Nul besoin de raisons pour ouvrir une bouteille de champagne, plaisir de partager avec un ami, l’homme ou la femme de sa vie, le geste d’ouvrir une bouteille de champagne suffit pour créer  une atmosphère particulière. Le champagne reste pour beaucoup le vin de la fête, de la joie. Sont-ce les petites bulles qui font pétiller le vin ? Le cérémonial du bouchon qui saute, des verres flutes ou coupes, voire des fontaines de champagne ? Il y a une part de magie dans ce vin pas comme les autres qui depuis un peu plus de deux siècles a gagné tous les suffrages, séduisant les femmes comme les hommes, qui a conquis le monde entier, ce vin d’excellence, de prestige, symbole de luxe et de fête issu d’un terroir bien particulier, du vignoble le plus septentrional de France.

 
Vignes et falaise de craie (CIVC)

Beaucoup d’amateurs de champagne ne connaissent que le champagne mousseux et ignorent que les vignerons champenois produisent aussi des vins tranquilles. Et ont produit pendant des siècles des vins tranquilles très recherchés qui ont fait la réputation du vignoble avant de mettre au point et de commercialiser le champagne pétillant.

Les vins de champagne avant les bulles

Lors de repérages archéologiques, on a trouvé dans du tuf de l’ère tertiaire, sur la côte de Sézanne  des empreintes de rameaux et de feuilles de vigne, ce qui montre que e terroir crayeux des côtes de champagne, très sec, est propice à la culture de la vigne, même s'il est peu probable que ce raisin fut pressé.  Sous l’occupation romaine, la viticulture s’est développée en Gaule. Les romains firent planter des vignes, du pinot, un raisin aux grappes à petits grains qui a un rendement assez faible. Les méthodes de culture consistaient à planter les ceps assez serrés, en foule ce qui les protégeaient du froid et des gelées tradives et à renouveler les pieds par provignage.
Les grands vignobles français sont apparus dès le Haut Empire et les vignobles de Champagne ne font pas exception. Les romains développèrent la viticulture dans le Nord de la Gaule autour de deux grandes cités: Reims et Chalons sur Marne, cités suffisamment riches et fortes pour résister à la chute de l’Empire romain et aux désordres qui s’ensuivirent.

Le calme revenu après les invasions barbares, la population augmenta et le besoin de vin se fit important. Le vignoble s’accroit sous les Francs sous l’impulsion des évêques de Reims. Reims  était la ville du sacre des rois et l’évêché de Reims possédait les domaines d’Epernay et de Hautvillers et tout le vignoble du rebord oriental des plateaux de l’Ile de France, de Cormicy au nord à Carmant au sud.

Une première implantation fut faite avec l’abbaye de Saint Thierry, fondé par… Saint Thierry au VIème siècle. Autour de l’abbaye se développa un vignoble et un village éponyme.

La seconde implantation, celle du  domaine d’Epernay  situé sur l’emplacement d’une ancienne villa romaine, fut fondé par St Eloi qui y accordait une grande importance. Le domaine était situé au bord de la Marne, la « Rivière » qui approvisionnait Paris et qui donna l’appellation « vin de rivière » Ses successeurs continuèrent son œuvre et tout particulièrement un dénommé Ebon qui donna son nom à un coteau. Au IXème siècle, Epernay était déjà un coteau réputé.

L’abbaye d’Hautvillers fut fondée en 660 par Nivard, évêque de Reims sur un coteau particulièrement bien disposé en terrasses et bien exposé en face d’Epernay. Il fut très attaché à faire fructifier ce domaine sur lequel il demanda à être enterré. Les coteaux furent aménagés, les sols reçurent des apports de terre, la culture de la vigne fut soignée. A la fin du XVIème siècle, le domaine possédaient une dizaine d’hectares de vignes. Dès le Moyen-âge, les vins d’Epernay et de Hautvillers étaient réputés jusqu’à Paris et ils approvisionnèrent la cour de Philippe-Auguste sous le nom de "Vins de France". Appelés aussi vins de Rivière, ils furent servis lors des banquets de couronnements des rois Charles IV et Philippe VI. Des vins blancs issus d’un cépage  « fromenteau » et des rouges provenant du « morillon » appelé aussi pinot. Ces deux cépages étaient considérés comme les meilleurs.


La Champagne à la fin du XVIIIème siècle,source Dion.

Le vin d’Ay et de Sillery

Les terroirs de craie des côtes étaient réputés les meilleurs et pourtant Ay et Hautvillers, les plus renommés, sont des crus dits de rivière situés sur les pentes des coteaux et les bords de la Marne. Le village d’Ay produisait des vins qualifiés d’exceptionnels à tel point qu’ils donnèrent leur nom au vin de champagne. On parla longtemps du vin d’Ay ou du vin de rivière et non du vin de champagne. Les grandes foires de Champagne attiraient marchands et clients de toute l’Europe qui venaient entre autres acheter le vin rouge léger d’Ay.

De l’autre côté de la Montagne de Reims, Ay avait un redoutable concurrent au village de Sillery. Le vin de Sillery devint aussi célèbre que celui d’Ay grâce à la famille Bruslart ou Brûlart. Conseiller au Parlement de Paris, puis conseiller du Roi en son Conseil privé, Pierre Brûlart épousa en 1543 la dame de Sillery et de Puisieux (situé à 9 km au s-e de Reims) La seigneurie possédait des vignobles à Sillery, à Ludes, Mailly et Verzenay sur les pentes de la Montagne de Reims. Pierre Brûlart et ses descendants, Nicolas et Pierre, ne cessèrent d’améliorer la mise en valeur des vignes et produisaient des vins nobles comme l’attestent leurs armoiries et eurent à cœur de promouvoir leurs vins à la cour et dans la capitale. En 1578, les vins de la Montagne de Reims étaient désignés comme « délicats et excellents ». Des vins « œil de perdrix » ou variant du rosé au gris.


Armoiries des Brûlart (Dion)

La Champagne, carrefour  commercial

Les vignobles les plus méridionaux dépendaient du diocèse de Troyes. La côte est pourtant éloignée de la ville, plus humide et plus brumeuse mais l’importance de la proximité d’une ville importante comptait autant que le terroir dans l’implantation d’un vignoble et Troyes dès le XIIIème siècle fut une cité commerciale primordiale avec le développement des foires de Champagne.

La Champagne fut située dès l’Empire romain sur le tracé des routes menant vers le Nord et vers Trèves la capitale. Ces routes gardèrent leur importance dans l’Empire carolingien et plus tard pour approvisionner les provinces de Flandres et d’Allemagne. Dès le IX et Xème siècles, les foires furent d’abord des foires à vins avant d’être au XIIème siècle des foires de draps. De Troyes sur la Seine, de Chalons sur Marne et de Bar/Aube mais aussi de Provins et de Lagny, les vins partaient vers les Flandres et l’Angleterre et vers les duchés allemands et la Bohème.

Une fois la grande peste terminée, à la fin du XIVème siècle, le vignoble s’étendit vers le sud, les bourgeois de Chalons, port important sur la Marne, achetaient des terres pour les transformer en vignobles sur les coteaux de la Montagne de Vertus. Dès le milieu du XVème siècle, les marchands pouvaient se présenter au roi Charles VII comme habitants d’une ville « assise en pais de vignes » et vendant « aux marchans de Picardie, Haynau, Flandres, Liège et autres pais circumvoisins » (R. Dion).

Mais aussi sur les routes des armées

D’être à la croisée des chemins fut aussi un inconvénient qui empêcha la viticulture de se développer et de s’améliorer en Champagne. Toutes les armées des rois de France et des seigneurs passèrent par la Champagne pour aller guerroyer vers l’est et le nord, les soldats et soudards des guerres de Cent ans, de Trente ans, des guerres de religion, de la Fronde, pillèrent les caves et dévastèrent les vignes et les bâtiments. Moines et vignerons furent davantage occupés à relever les murs et replanter les vignes que de se soucier du travail du chai et de l’amélioration des techniques de culture. Seuls les grands domaines comme ceux de Sillery, d’Ay et d’Hautvillers pouvaient travailler à l’amélioration des leurs vignes et de leurs vins. Et c’est de là que viendra d’ailleurs le renouveau.  La Champagne dut attendre le XVIIème siècle connaitre une paix assez durable bien que toute relative qui lui permit d’améliorer les techniques culturales et la vinification qui le rendirent célèbre dans le monde entier.


Mots-clés : Technorati, Technorati

le 27.04.12 à 09:00 dans Vins
- Commenter -

Partagez cet article


Mon livre

L'histoire des légumes, des potagers, du néolithique à nos jours en passant par les abbayes. Plus une cinquantaine de recettes de Michel Portos, cuisinier de l'année 2012 GaultMillau, avec les accords vins de Patrick Chazallet. De très belles photos d'Anne Lanta, une préface de Christian Coulon pour la beauté de l'ouvrage. alt : Widget Notice Mollat Analyse sur un ton léger des rapports des femmes au vin de l'Antiquité à nos jours, les interdits, les tabous, les transgressions, se ponctuant par quelques portraits de femmes du vin contemporaines. alt : Widget Notice Mollat

Tous les articles publiés

Parcourir la liste complète

Annonces

Inscrivez-vous à ma lettre d'informations

Inscription désinscription

J'en ai parlé

Archives par mois

Abonnez-vous

ABONNEZ VOUS SUR