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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Boucheries et bouchers épisode 3

 Cette semaine un petit détour vers des boucheries à part dans le monde des bouchers, celle de la boucherie chevaline qui a connu la faveur du public avant que celui-ci ne se détourne d'elle.



Les boucheries chevalines

1870, Paris est assiégé,  L’approvisionnement de la capitale impossible. Les parisiens avaient faim et avaient passé à la casserole tout ce que la ville comptait d’animaux consommables. Les zoos étaient vides et les habitants, le ventre creux, commençaient à loucher vers les chevaux. Surmontant le séculaire tabou, les braves chevaux finirent aux abattoirs et sur les comptoirs des premières boucheries chevalines. Le cheval, la plus belle conquête de l’homme débité comme un vulgaire cochon ! C’était impensable ! Le grand Grégoire VII, lui-même, avait lancé un anathème contre la viande de cheval ! Une bête de  monte ! Il fallait en être réduit aux dernières extrémités comme les soldats de Napoléon  lors de la retraite de Russie pour transformer son cheval en bifteck ou en pot-au-feu. Et pourtant on en revint aux manières de manger quand les troupeaux de chevaux sauvages étaient chassés comme tous les autres mammifères.

A la surprise générale, les boucheries chevalines ou hippophagiques connurent un grand succès. Un succès qui n’était pas seulement du à la pénurie généralisée de viande. Les clients découvrirent une viande assez bon marché, à la saveur douce, très saignante, maigre et aux grandes qualités nutritives. Une viande qui n’avait jamais de parasite et qui pouvait se manger crue, un avantage en période de restriction de bois et de charbon. Et cerise sur le gâteau, les chevaux âgés de plus de 7 ans étaient encore meilleurs que les autres et des vieux chevaux, ce n’est pas ça qui manquait. Faute de travail dans les boucheries traditionnelles, les jeunes apprentis cherchèrent à s’embaucher chez des bouchers chevalins. L’apprentissage allait vite, un cheval se découpe comme un bœuf et les morceaux portent le même nom hormis la surprise, le morceau du boucher, le portefeuille, un morceau dans le rumsteck qui s’ouvre comme un portefeuille d’où son nom et la chainette, fine comme une dentelle. Il fallait cependant être agile du couteau, car la viande de cheval est très nerveuse et l’apprenti doit apprendre à déchirer les nerfs avec de petits couteaux fins, flexibles  et très tranchants et avoir le geste aussi précis qu’un chirurgien pour ne pas gâcher la viande et se trancher les doigts. C’est tout l’art du ciselage de la viande qu’il lui faut réapprendre pour pouvoir offrir aux clients une viande d’une tendreté parfaite. Parce qu’ils maitrisaient si bien cet art, les bouchers chevalins avaient une très haute idée de leur métier, se considérant comme les aristocrates de la boucherie et pour se distinguer de leurs confrères, bouchers ordinaires, ils soignaient tout particulièrement leur magasin. Notre jeune apprenti n’était pas peu fier de pénétrer dans la boucherie dont la devanture très soignée, parfois en marbre, était surmontée d’une superbe enseigne, une tête ou un buste de cheval doré si possible. Bel hommage au meilleur ami de l’homme. L’intérieur toujours net, une vitrine qui présentait saucisson, cervelas, mortadelle, andouille et jambon fumé de cheval. Il ne cessait de prendre des commandes de jambon cuit et des morceaux les plus rares car les français avaient pris le goût de la viande de cheval qui était moins cher que celle de bœuf. Les boucheries chevalines prospérèrent jusque dans les années 60-70 quand une sensibilité générale et la démocratisation du sport équestre rendit de nouveau tabou la consommation de viande chevaline et obligea notre jeune apprenti à réintégrer la boucherie traditionnelle.

A suivre...

 

Mots-clés : Technorati

le 18.07.13 à 12:41 dans Histoire des aliments
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