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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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autour du dîner de Babette, suite

 La mise en bouche a été faite avec la présentation du thème du Dîner de Babatte, maintenant voyons ce que signifie ce dîner pour les hôtesses et leurs convives. Quelle est la part symbolique et réelle de leur croyance religieuse dans leur manière de manger.

1        - Les ambivalences face à la nourriture

L’anthropologue Sidney W. Mintz : « Bien que la nourriture soit essentielle à la vie, son utilisation et son abstention intentionnelle sont des pratiques culturelles qui se révèlent comme des instruments d’expression fortes. »

 

 

A/ Nourriture, plaisir et honte

Ce le Festin de Babette tente d’expliquer le contraste entre la jouissance, le sentiment de plaisir, la dimension artistique qui entourent la nourriture en France et la privation, la culpabilité, la santé et la vertu de ses hôtes. Il est assez facile de remonter aux origines de la culpabilité d‘une société de Puritains qui se méfiaient du plaisir, qui prêchaient des valeurs comme le dur labeur, la discipline et la maitrise de soi. Le contrôle est bon, la mesure est dévotion. Le plaisir, surtout s’il est une fin en soi, éloigne de Dieu. Il y avait la crainte la gourmandise, considérée comme un des 7 péchés capitaux. Les jeûnes et carêmes pour expier et se purifier. La méfiance vis-à-vis des plaisirs corporels se fonde sur ce qui est écrit dans l’Ancien Testament partagé par le catholicisme, protestantisme et dans une certaine mesure le judaïsme.

 D’où une ambigüité dans l’attitude de l’homme envers les aliments et le fait de manger qui varie entre plaisir et culpabilité dont nous ne nous sommes jamais débarrassés.

La culture diététique n’est pas moins fonctionnelle, elle ramène la nourriture aux composantes nutritives, aux besoins, au rapport avec le mouvement, la glycémie ou le cholestérol et invente des alibis pour manger moins en nous invitant à rêver sur des régimes exotiques, obsédants ou monacaux.

Dans une société où la rentabilité du temps de travail est la règle, les êtres humains aux prises avec le contrôle, la renonciation et le sentiment de culpabilité vis-à-vis de la nourriture et sont entourés en même temps par de quantités excessives d’aliments en général peu gratifiants et souvent consommés en faisant autre chose. Si, dans un certain sens ces aliments sont « bons », le plaisir provient en grande partie d’un plaisir primitif de remplissage, qui crée une dépendance de l’expérience gustative : goût salé, goût sucré, corps gras. Une fois l’ingestion terminée, la nourriture est oubliée et l’esprit complètement insatisfait. D’où le besoin de retrouver d’autres sensations gustatives qui signalent à l’esprit que l’on a vraiment mangé.

 

 

B/ Nourriture et morale

Un aliment rentre dans le domaine de la morale quand on emploie des expressions comme « on devrait » et « on ne devrait pas ». Le dégoût est renforcé quand il est associé à un groupe stigmatisé : les obèses, considérés comme des individus sans volonté, paresseux, négligés et comme l’obésité est + fréquente dans les classes sociales les plus basses, la répulsion du gras prend une connotation de classe. Le corps devient un véhicule que permet d’afficher ses vertus : la maigreur devient le signe du contrôle de soi et l’obésité celui du manque de contrôle, quant au plaisir de manger, il est considéré comme une sorte de  dérèglement physiologique et moral.

Margaret Visser, historienne de l’alimentation :

«  la graisse est comme le sucre, c’est si facile de l’aimer que le « bon goût » est toujours pressé de la juger dégoutante. Elle plait à trop de gens qui exagèrent sa consommation, c’est inconvenant pour les quelques privilégiés qui en ont en abondance et sont donc écœurés par les excès. »

Résister à la tentation des aliments riches en graisse et en sucre = preuve de caractère qui permet d’appartenir à une élite morale. Maitrise de soi s’oppose à l’intempérance, et la sous-alimentation volontaire est considérée comme la voie idéale vers l’autodiscipline, l’ascète est maigre et volontaire, le jouisseur gros et sans volonté. Dans ce sens, la répulsion vis-à-vis de la graisse est un trouble alimentaire culturel.

Se débarrasser des graisses et des aliments d’origine animale et des sucres inutiles, dans un désir de pureté nous ramène à la manne céleste. Cela s’exprime actuellement par l’immense vogue des cures de « détox » et de « jeûne ». Se débarrasser de tout ce qui peut empoisonner le corps, le rendre moins performants, moins efficace par un retour vers les nourritures originelles, les fruits et légumes et les céréales, par l’absorption de produits « botaniques » à comprendre dans son sens premier qui est « plantes qu’il faut avaler pour vivre ». Expression des angoisses provoquées par la nourriture contemporaine

 

Mots-clés : Technorati

le 21.11.19 à 22:18 dans Autour de la nourriture
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