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Boire et Manger, quelle histoire !
Le blog d'une historienne de l'alimentation

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Alimentation et perturbateurs endocriniens

Il y a quelques années déjà que l’on parlait des transformations observées sur les poissons des rivières. Des mutations sexuelles étaient remarquées sur certaines espèces de poissons qui avaient été attribuées en premier lieu aux médicaments ingérés par les consommateurs, comme les pilules contraceptives, qui étaient rejetés dans l’eau des rivières par le biais des urines. Mais ce n’était qu’un début et le mal était plus important qu’il n’y semblait au premier abord. De récentes déclarations de médecins corroborées par des études scientifiques réalisées sur une longue durée nous apprennent que les humains et plus particulièrement les enfants sont victimes de perturbateurs endocriniens présents dans leur environnement.

 

 

L’activité endocrinienne perturbée par les aliments

On parle souvent de malbouffe, mais ce n’est pas seulement l’excès de gras ou de sucre ou les aliments pleins de calories vides qui menacent notre santé. Beaucoup insidieusement, les polluants organiques persistants et des pesticides, invisibles mais très présents dans notre alimentation et dans notre environnement comme les bouteilles et les emballages en plastiques ou les tétines et les produits de soin de beauté sont éminemment dangereux.  Ces substances qui ont pour nom DT, dioxines, polychlorobiphényles, phtalates, bisphénol A, etc. Et cette malbouffe touche les animaux comme les humains.

Avant même que les députés français votent le 3 mai dernier une proposition de loi interdisant l’emploi des phtalates, des parabènes et des alkylphénols, le signal d’alarme avait été tiré par des pédiatres et des endocrinologues qui avaient remarqués de nombreux cas de puberté précoce chez des petites filles.

Charles Sultan, chez du département d’hormonologie au CHU de Montpellier, lors du 3ème colloque international de l’appel de Paris qui se tenait à l’UNESCO sous le patronage de l’OMS et de l’Agence européenne de l’environnement avait alerté ses confrères et les participants à ce colloque consacré à « la santé des enfants et de l’environnement ». Lors son intervention, il a parlé des cas de plus en plus nombreux observés chez les petites filles de puberté précoce et de retard pubertaire et malformations génitales chez les petits garçons. « Toute imprégnation pendant la vie fœtale, néonatale ou ‘enfance risque de retentir sur le développement pubertaire normal de la fille. Trois études épidémiologiques à grande échelle et publiées dans des revues scientifiques de haut niveau montent une avancée d’au moins un an sinon deux dans la puberté. » Or d’après l’expertise collective « Reproduction et environnement » réalisée par l’INSERM,  rendue publique pu de temps avant ce colloque, le 14 avril la baisse de l’âge de la puberté est un fait avéré dans les pays occidentaux : »D’après les données norvégiennes, finlandaises et américaines, une diminution est estimée à 0,3 an par décennie et en France, de 0,18 an par décennie est observée. »

Les symptômes : développement mammaire et de l’utérus, règles dès 6 ans, une petite taille (car l’âge osseux est plus élevé que l’âge réel), problèmes psychologiques provoqués par cette précocité et plus tard risque de développer des cancers hormono-dépendants (sein et/ou utérus).

 

 

Attention, contenants dangereux

On semble découvrir ce problème alors que des scientifiques avaient déjà tiré la sonnette d’alarme. Mais le train avait continué à rouler. En 2002, l’OMS avait publié les résultats d’une étude qui avait recherché dans le sang de 41 filles ayant eu un développement mammaire précoce et 35 filles qui n’en n’avaient pas eu, différentes substances. 68% des filles ayant eu une puberté précoce avaient des taux mesurables de phtalates contre 17% chez les filles-témoin. Cette étude montrait que les taux d’œstrogènes étaient 3 à 4 fois plus élevés chez les filles issues de familles d’agriculteurs, les tonnes de pesticides stockées dan la ferme favorisant l’activité oestrogénique de la contamination de l’environnement.

L’an passé lors des 12èmes entretiens de Nutrition de l’Institut Pasteur de Lille, Eric Houdeau, chercheur à l’unité ToxAlim, de Neuro-gastroentérologie &Nutrition de l’INRA de Toulouse 

avait fait une intervention très remarquée sur les dangers du bisphénol A. Il avançait les arguments suivants : « Le bisphénol A (BPA) est la molécule monomère largement utilisée dans l’industrie de l’emballage alimentaire depuis la fin des années 60 pour la fabrication de polycarbonate des biberons et des bouteilles/bonbonnes d’eau réutilisables, ou encore dans les résines époxy revêtant l’intérieur des boîtes de conserve et des canettes de boisson. On le retrouve également comme additifs dans les accessoires en polysulfones dont les bols destinés au chauffage des aliments pour bébé […]

A l’origine, le BPA n’était pas une molécule destinée à concevoir du plastique. Il a été produit par des chimistes à la fin du XIXème siècle comme « œstrogène de synthèse », pour lutter contre l’infertilité féminine. Pour autant le BPA n’a jamais été utilisé en clinique, car détrôné dans les années 30 par le … distilbène […] » Il continuait son discours en citant des chiffres inquiétants d’une étude sur les effets du bisphénol de 2009 : « Dans nos pays occidentaux, du BPA est retrouvé dans les urines de 95% de la population testée (0,1-10 n.m), dans le sang ombilical et le lait maternel, ou encore le liquide amniotique et les tissus fœtaux, preuve évidente de contamination. Le chauffage (micro-onde, bain-marie), l’acidité des aliments (fruits, macédoine, tomates en boîte) et des boissons (sodas, jus de fruits) sont trois paramètres qui altèrent le plastique et augmentent la migration du BPA ainsi libéré vers le contenu.  »

Les autorités sanitaires françaises et européennes jugent cependant les niveaux d’exposition trop faibles par rapport à la dose journalière tolérable.

« Cependant, poursuivait E. Houdeau, les effets constatés chez l’animal montent que le BPA ingéré à faibles doses (mais quotidiennement et sur de longues périodes) présente toutes les propriétés d’un « perturbateur endocrinien », c'est-à-dire capable de mimer l’action des œstrogènes dans l’organisme, tout en créant un déséquilibre hormonal critique. Les conséquences sont particulièrement évidentes pour une exposition périnatale (in utero et pendant l’allaitement), une période de vie critique où les œstrogènes naturels jouent un rôle essentiel dans le développement des organes sexuels, du cerveau, des fonctions métaboliques. »

 

 

Menaces sur la biodiversité

Qu’est ce qu’un perturbateur endocrinien ? Il s’agit selon une définition que donnait en 1999 l’Union Européenne : « Une substances ou un mélange exogène altérant les fonctions du système endocrinien, et induisant donc des effets nocifs sur la santé d’un organisme intact, de ses descendants ou sous-populations.» C'est-à-dire, des pesticides, des produits chimiques industriels, des médicaments ainsi que des substances naturelles produites par certaines plantes ou certains champignons. Le système endocrinien est régulé par des hormones qui agissent à faibles doses sur l’organisme. Les perturbateurs endocriniens agissent sur la production d’hormones et sur l’action que cette production accélérée d’hormones va produire dans le sang et sur les organes avec pour conséquences une baisse de la fertilité, des altérations de la croissance et de la reproduction.

Le 28 avril 2011, le WWF et le Réseau Environnement Santé organisaient une journée d ‘information sur les perturbateurs endocriniens.

Ce colloque montrait que toutes les espèces animales étaient touchées par des anomalies anatomiques, reproductives, immunologiques et comportementales. L’homme évidement nous l’avons déjà dit mais aussi les mollusques, les poissons, les amphibiens, les oiseaux et les animaux vivant dans des milieux aquatiques. Toutes les observations et études prouvent que « la problématique émergente de la perturbation endocrinienne remet en question les fondements même de certains principes d’écotoxicologie, comme la notion de seuil, de faible dose, de fenêtre d’exposition ou d’impact sur l’ensemble d’une chaîne trophique,  il fallait intégrer maintenant la notion de période d’impact ( la période de gestation étant une période critique), de période de latence existe, considérer que les transmissions se font sur plusieurs générations et que les effets observés chez les animaux se retrouveront un jour chez l’homme. Ils ont donc des modes d’action spécifiques différents des autres polluants de l’environnement.

 

La perturbation endocrinienne met en péril l’ensemble des systèmes biologiques naturels, car les substances toxiques sont le plus souvent dispersées dans les cours d’eau mais le sont aussi par la voie atmosphérique. C’est donc toute la biodiversité de la planète qui est sérieusement menacée.

Le plan national santé environnement de 2009-2013 proposait de créer au niveau européen une catégorie spécifique pour les perturbateurs endocriniens différentes des catégories cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques et les complétant en raison de ses modalités d’incidence sur les organismes. Puisse t-il voir le jour.

 
 

le 31.05.11 à 09:00 dans Autour de la nourriture
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